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Sénat : y a-t-il un homme libre dans la salle ?

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par admin le 11/05/2006 à 15:03
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Mercredi soir, par 164 voix pour et 128 voix contre, le Sénat a adopté le projet de loi DADVSI. Les mises en garde de quelques sénateurs francs-tireurs n’ont pas empêché le scénario calculé de se dérouler. Mépris du droit des internautes, soumission aux intérêts des industriels du contenu, enregistrement – voire aggravation – des propositions de l’exécutif :

Au terme des débats parlementaires, une constatation apparaît clairement : ce texte n’est pas destiné à améliorer le statut des auteurs, ni à apporter une réponse éclairée aux questions posées par la nouvelle société de l’information. Il est conçu explicitement pour apporter un cadre législatif à l’émergence des offres commerciales de diffusion de contenu, quitte à écraser les plates-bandes de liberté où les logiciels et les innovations se développent à profusion depuis plusieurs années.

DADVSI, c’est Sony et Universal qui viennent frapper, penauds, à la porte du Ministère. “Nous n’avons pas réussi à convaincre les internautes que nos offres chères, limitées, mal conçues étaient la bonne voie d’accès à la culture sur Internet. Messieurs les parlementaires, faites nous une loi bien coercitive, que nous puissions obtenir par la force législative ce que le libre jeu du marché ne nous a pas permis de gagner”.

Car l’offre libre et/ou gratuite, c’est bien le concurrent le plus redoutable des monopoles de fait et des vaches grasses de l’industrie du contenu et des outils.
Pour les contenus culturels, l’offre libre c’est le renversement du modèle : “non, l’internaute n’est pas un voleur-né qui va pomper indûment la création. Oui, nous choisissons de mettre notre création librement disponible, parce les bénéfices que nous en retirons : notoriété, accroissement du public live, valent largement la part de droits que nous perdons. Et que même cette part de droit serait sauvegardée si la loi nous proposait un cadre raisonné de rémunération.”

Pour les outils logiciels, c’est la même révolution : “non, nous ne perdons pas d’argent en ouvrant notre code et en renoncant aux licences obligatoires. Il y a des voies de rémunération autres, et l’ouverture du code que nous avons créé nous assure la meilleure qualité possible du logiciel, parce que nos clients voient aussi l’arrière cuisine et qu’ils peuvent même améliorer la recette”.

Le logiciel libre, et pas seulement parce qu’il est souvent gratuit, est une concurrence directe aux bénéfices des licences et des royalties. Une administration, une entreprise ou un particulier qui décide de migrer de Windows à Linux, ou de MS Office à Open Office, ne le fait uniquement pour “rogner sur les charges”. Il en retire aussi d’autres bénéfices : sécurité accrue, interopérabilité améliorée, contrôle intégral de son outil. L’offre libre n’est pas une solution “au rabais”, mais un compétiteur de plus en plus inquiétant pour l’offre propriétaire.
C’est donc loyalement et selon les lois du marché que le logiciel libre attaque les monopoles des firmes de la connaissance. Cela est-il concevable ? Pas pour ces firmes, qui ont trouvé dans la loi DADVSI le moyen d’asséner par force de loi qu’elles ont le droit de continuer à fournir des produits défectueux, chers, non interopérables, et que la justice doit maintenant se prêter à leur jeu.

La musique libre, elle, pèche encore plus gravement contre le credo des majors. Ces majors qui ont réussi en quelques décennies à multiplier indûment le prix de la culture au prétexte des innovations technologiques, enfermant les artistes dans un seul et unique schéma de diffusion et de rémunération. Ces majors qui asphyxient leur marché sous leur propre poids, en captant la création à leur seul bénéfice. Ces majors, qui ont vu – bien tardivement – que l’Internet pouvait être détourné à leur profit. Ces majors alarmées, ces rentiers peureux, ont choisi la voie de la coercition pour sauvegarder leur modèle de fonctionnement. Mais pour cela, il fallait convaincre l’internaute consommateur que la seule voie d’accès à la culture, sur Internet aussi, c’est le contrôle du média.

Ils sont nombreux pourtant, les artistes qui savent ou pressentent que le CD nuit au premier rôle de l’artiste : créer, interpréter et faire partager sa création. Nuisance parce qu’il enferme l’artiste dans un seul schéma de rémunération, nuisance aussi parce qu’il aliène le créateur au producteur et au diffuseur qui contrôlent, eux, la production du média physique et sa diffusion. Il remplit certes deux objectifs importants : diffusion de la création et rémunération – minime – de l’artiste. Une nuisance nécessaire ? Dans le schéma actuel, peut-être. Mais la nouvelle société de l’information a changé les moyens et le cadre technique. Ces objectifs : diffusion et rémunération, pouvaient être atteints différemment. Il aurait fallu changer les moyens. Mais les rentiers de la culture ont trop bien vu où menait cet autre chemin : rendre la culture à l’artiste et au public, c’est aussi diminuer la rente de ces industriels obsolètes.

Quelques députés avaient, lors du débat à l’Assemblée, su discerner cette crise inévitable. Didier Mathus, le soir du 15 mars, rappellait à l’Assemblée Nationale les enjeux fondamentaux qui bousculaient le Parlement :

Cet aspect (agrégation et utilisateurs-producteurs de contenu) met bien sur en cause l’arbre traditionnel de transmission de l’information et de la connaissance, qui était : quelques industriels des contenus qui décidaient de ce que devaient écouter les gens, quelques industriels de l’information qui décidaient de ce que devaient penser les gens. Et on assiste à cette révolution qui fait que tous ces grands procédés de transmission verticale, d’un émetteur vers des récepteurs passifs sont brutalement mis en cause.
On voit le conflit légitime, normal, entre d’une part les industriels propriétaires des contenus et des catalogues, et d’autre part des citoyens, des internautes, mais pas seulement, qui tentent de faire valoir ce droit nouvellement acquis à l’expression et à la diversité culturelle librement choisie.

Extrait plus long et vidéo sur notre billet du 16 mars

Au Sénat, quelques sénateurs ont osé rappeller les enjeux fondamentaux au coeur du débat. Jack Ralite, sénateur de la Seine Saint Denis, groupe CRC, avertissait, à la fin des débats, le 10 mai :

Lorsqu’en 1996 la directive a été adoptée, j’avais dit que le temps était venu de sonner le tocsin pour appeler à contrer le copyright. Je citais alors un auteur américain qui expliquait le mal américain par le fait que le gouvernement s’était laissé convaincre que l’action publique ne pouvait rien et que les évolutions technologiques résoudraient les problèmes. Je disais que le copyright s’insinuait goutte à goutte dans notre système, mais je dis aujourd’hui que la pluie est drue contre le droit d’auteur et la créativité. Je disais : attention ! Mais aujourd’hui je dis : non ! Nous n’acceptons pas ce projet, malgré quelques bonnes intentions.
Le travail est difficile, j’en ai eu confirmation lors d’une réunion d’une soixantaine de juristes français et allemands à Munich, qui ne sont pas parvenus à un accord, et encore il y a deux semaines à Bruxelles, où d’autres juristes européens ne se sont pas mis d’accord non plus. Nous ne sommes pas des chercheurs, mais des législateurs, nous devons trancher en caressant plutôt qu’en coupant l’avenir ; or ce texte nous coupe de l’avenir plutôt qu’il ne le caresse.
Je citerai pour finir Shigeru Miyamoto, ce créateur de jeux vidéo que vous avez fait chevalier des Arts et des lettres, pour lequel ce n’est pas au créateur de s’adapter à la console, mais à la console de le servir : la machine sert le créateur, non l’inverse. Nous sommes des créateurs législatifs, mais nous avons cédé au langage machinique et nous n’avons pas fait notre travail jusqu’au bout.

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  1. Il faudrait fermer ce centre de gériatrie financé par le citoyen, au dépend du citoyen…

    Commenté par Renaud — 11 mai 2006 @ 15 h 26 min

  2. Oui et ce n’ pas fini , après la musique , ils vont s’ au livre , à la presse et à la littérature :

    http://halldulivre.fr/cgi-bin/db2www.cgi/nancy.mac/show_book?book_index=9782207256695&ref_id=autre&prov=

    Avis du libraire :
    Google, Yahoo, en attendant d’ opérations plus dévastatrices, tentent de s’ une richesse collective : le capital du savoir. Le juridique et le politique trottinent derrière, ramassant la monnaie. Et pourtant la Très Grande Numérisation tente de remédier à une très ancienne carence : 80% des humains manquent d’ vrai accès au savoir. Après un constat sans indulgence ni illusion, Lucien X. Polastron examine la petite lueur libertaire qui se profile, justement, dans le tissu de l’. Si notre survie est fichue côté camionnage du papier (presse, édition), la trouverons-nous dans le volatil ? En tout cas nous y cherchons la gratuité, ce qui veut dire aussi le hasard de la découverte. Un essai très informé sur le désastre de la numérisation massive de l’écrit. Du même auteur : Livres en feu.
    Biblioteca, Paris

    Commenté par Cricri — 11 mai 2006 @ 15 h 36 min

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